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mercredi 5 novembre 2014

Lettre à Malala Yousafzaï, prix Nobel de la paix 2014.

Dans le cadre de ma chronique LETTRE AUX ARTISANS DE LA BEAUTÉ DU MONDE POUR LA SUITE DU MONDE à l'émission de radio/télé Catherine et Laurent, du 4 novembre, voici le texte de la lettre que j'y ai lue. 


Chère Malala Yousafzai,



La peur c’est ce qui tient les gens assis. La peur c’est ce qui transforme le monde selon les désirs haineux d’hommes aux intentions sombres. Dans le noir, plus personne n’a d’identité et la musique s’évanouit, faute de danseurs. Dans le noir, la population est hypnotisée et offre sa liberté aux loups.

Chère Malala, tu n’as que 17 ans, mais tu as connu cette noirceur. Non pas une noirceur métaphorique, une noirceur politique exprimée par des chroniqueurs chagrins et des éditorialistes inspirés. Mais une écœurante noirceur qui tache la vie jusqu’à l’anéantir. Une noirceur de honte, de réclusion et de prison sociale, sous le régime des talibans, dans ta vallée du Swat dans le nord-est du Pakistan.


Tu l’as écrit dans le merveilleux livre qui présente ton histoire et que je recommande à tous, à quel point cette vallée, annexée au Pakistan en 1947, est belle, neigeuse à ses sommets, luxuriante dans ses hauteurs, séduisante en tous ses paysages.

 



Tu as vécu ton enfance à Mingora, dans cette vallée, élevée par un père courageux et cultivé, grand démocrate, qui fondait des écoles pour les filles. Un père poète, qui n’a jamais accepté l’obscurantisme et a défendu ses droits et la démocratie, au mépris du danger.

Tu as été inspirée par la droitesse et la force d’un père qui a gardé le cap, persévéré, affronté les intégristes de tous acabits, s’est levé debout et a parlé contre le pouvoir des talibans, pendant que tout le monde tremblait sur leurs chaises, tétanisés par les campagnes de peur, la brutalité des méthodes talibanes et l’effarante injustice de la charia pour les femmes.



Toi aussi tu as pris la parole à la télévision, à la radio, en public, pour exprimer ton désaccord contre les politiques talibanes, tout en rappelant ton impérieux désir d’apprendre, l’importance primordiale de l’éducation, en général, ne serait-ce que pour vaincre l’ignorance rigide, terreau fertile aux idées brutales. Tu défendais le droit des filles à s’éduquer, tout simplement, qui semblait devenir, sous la chape des talibans, un déshonneur pour les familles qui envoyaient leurs filles à l’école.

Le 9 octobre 2012, il y a bientôt deux ans, tu as été l’objet d’un attentat, un taliban a tiré sur toi, sur ton visage affûté, ton visage d’intelligence. Il a pensé en finir avec toi. Te faire taire pour de bon. T’offrir le même sort que Bénazhir Butto, le 27 décembre 2007. Briser ta parole lumineuse en faisant exploser ta vie. 


Mais tu n’es pas morte. La peur cruelle n’aura pas réussi à atteindre ta passion, ta volonté rigoureuse. Menacée, comme toute ta famille, tu as bien entendu quitté cette région dangereuse. Ton père a pris la décision de déménager à Birmingham, en Angleterre, faire le deuil de ton pays tout en promettant à tous qu’un jour tu y retourneras. Tu as fui avec toute ta famille la radicalité morbide pour t’accrocher à la beauté de la vie, la puissance de l’espoir et l’ardeur de tes convictions.

Cette année, le grand jury d’Oslo t’a décerné le prix Nobel de la paix.



Tu le mérites amplement, ton père aussi, indirectement. Tu as dit : «sans éducation, la paix est impossible». Et tu as profondément raison. Eduquer les gens, c’est faire briller en eux ce qui est possible, c’est inventer de la dignité là où régnait l’indifférence, c’est tirer la beauté du monde vers le haut, car apprendre, c’est marcher debout.



 Chère Malala Yousafzaï, tu as obtenu un second prix prestigieux, ces derniers jours, le prix des enfants du monde, décerné à Stockholm, dimanche dernier. Tu as décidé de remettre la totalité de la bourse venant avec ce prix, soit 50000 dollars, pour la reconstruction d’une école de l’ONU, à Gaza, détruite durant le dernier conflit avec Israël.
De jeunes Palestiniens te remercieront et je te remercie également.

Car survivre à l’impossible ne devrait jamais être une condition pour faire respecter les droits de tous à l’éducation et défendre la simple beauté d’apprendre.


Grâce à ton livre, à toi, je connais déjà mieux l’histoire du Pakistan et je vois de la beauté là où les médias occidentaux nous présentaient exclusivement de la noirceur.


Grâce à toi, plusieurs filles de la vallée du Swat et de tout le Pakistan, vont voir autre chose que des fusils et peut-être retrouveront-elles le goût, comme toi, de faire des bonshommes de neige, à Mingora, l’hiver.

vendredi 10 octobre 2014

Lettre à monsieur Chance, personnage jardinier, interprété par Peter Sellers ou Lettre sur la naïveté


Dans le cadre de ma chronique LETTRE AUX ARTISANS DE LA BEAUTÉ DU MONDE POUR LA SUITE DU MONDE à l'émission de radio/télé Catherine et Laurent, du 7 octobre, voici le texte de la lettre que j'y ai lue.

 





«Cher monsieur Chance,

La naïveté est un cadeau curieux, un avantage mal perçu. Jardinier à vie, amant des roses et des graines semées, vous avez personnifié la naïveté jusqu’à son comble, en portant un paletot long, un chapeau melon et un parapluie.

Vous êtes le personnage principal du film BEING THERE, en français, BIENVENUE MONSIEUR CHANCE, de Hal Ashby, apparu sur les écrans en 1979. Ce film est une satire politique, un portrait de la télévision comme un instrument décérébrant les foules et un plaidoyer contre le racisme sévissant aux États-Unis. Mais ce film est aussi une fable, une fable sur l’étonnante liberté du naïf.



Pour plusieurs, Monsieur Chance, vous n’êtes qu’un personnage simplet, un imbécile heureux, un être perdu et enfantin dans un monde de pouvoir, d’influences et d’argent. À toutes les questions qu’on vous pose, vous ne répondez qu’en des termes horticoles, qu’avec des conseils de jardinier. Vous êtes à la naïveté ce que le charbonnier est à la foi. Tout vous dépasse, mais rien ne vous angoisse.  Certes, j’étais tenté de voir en vous un produit curieux de notre monde déconnecté de la réalité, vivant en vase clos et étranger aux problèmes des inégalités sociales. Mais votre belle naïveté, sans épines, bouillie dans l’eau de pluie et les feuilles vivantes, m’aura plutôt montré l’ordinaire beauté de vivre.

Le président des États-Unis vous a trouvé des airs de conseiller. Philosophe par inadvertance, vous êtes devenu une star médiatique et vos réponses  aux animateurs ont été perçues comme des paroles trempant dans la sagesse. Mais le spectateur a  bien compris que vous ne vouliez rien d’autre que soigner les plantes et les arbres, manger quand vous aviez faim et regarder la télé.

Analphabète et sans culture,  vous étiez pour moi ce bon sauvage de Rousseau, et non pas le produit de notre monde fou. Votre naïveté profonde qui refuse les préoccupations des hommes d’intérêts confine à la sainteté et les dernières images du film laissent entendre que vos capacités sont, en effet, quelque peu miraculeuses.

Mais puisque vous êtes une fable imaginée par un romancier polonais, je souhaite qu’on revienne à la réalité et que l’on soupèse tous les ravages de l’analphabétisme et du manque de culture, chez nous, ici et maintenant, qui produisent une autre sorte de naïveté, la naïveté dommageable qui empêche les gens d’avoir une réelle prise sur leur destinée et celle de leur pays.

Monsieur Chance vous auriez sans doute répondu à nos politiciens imbus d’austérité, quelque chose comme : ne coupez pas les rosiers avant qu’ils soient matures. Ils mourront.

Nous ne le répétons pas assez, la naïveté n’est bonne que dans les films, interprétée par des comiques de génie. Dans la vraie vie, les gouvernements qui nous imposent l’austérité souhaitent que nous restions naïfs. Parce qu’il faut bien le comprendre, les coupures absurdes en éducation et dans la culture, et la sacro-sainte austérité budgétaire, resteront toujours des mesures conçues, ciblées, fabriquées, pour un peuple de naïfs.»


samedi 6 septembre 2014

Lettre à Abraham Borbor et à une infirmière nigériane, deux artisans de la beauté du monde, pour la suite du monde


Marie-Ève Pineault, la réalisatrice radio de CATHERINE ET LAURENT (émission télé/radio, animéepar Gilles Payer et diffusée à la fois en images à MAtv et en son à CIBL), m’a invité à présenter une chronique à son émission.  Toute invitation me stimule et c’est en quelques heures, bouillonnant de tous mes pores, que j’en suis venu à la conclusion qu’il fallait que je m’attaque, à ma façon, à un mal contemporain répandu : le cynisme. 

http://www.cibl1015.com/catherine-et-laurent


Est-il encore possible d’être tragique ou grave aujourd’hui ?
La vie serait-elle devenue inexorablement bénigne et sans aspérités, tout d’un coup ?

Poser ces questions ridicules, c’est y répondre.

Sans tomber dans les théories de la catastrophe et les sempiternelles prévisions de la fin du monde, nous ne sommes pas sortis de notre bois. La forêt des angoisses, si elle n’est plus habitée par des tigres, des insectes géants ou des arbres titanesques, continue à distiller ses sucs, ces idées qui nous minent et ces questionnements sans réponse qui butent sur notre effarement.

Non pas que je n’ai jamais été atteint par cette maladie du cynisme, elle m’a grugé les repères plus que bien d’autres et en ma qualité d’athée qui pratique le «nice nihilism» comme éthique de vie (après avoir lu le livre de Rosenberg), on aurait pu croire que je suis imperméable à tout ce qui subsiste des idées les plus humanistes et de cette élégance cosmique qui caractérise notre monde.

Pourtant, je sais, comme tout le monde, que nous ne pourrions vivre dans un monde exempt de beauté, de bonté et privé de dons. Que la justice sociale, le concept de Beauté et l'élégance du cosmos sont des idées qui fondent la beauté du monde et sa diversité extraordinaire. Bien qu'il faille s'appuyer sur une espèce de spiritualité athée pour mieux comprendre ces idées, il est essentiel que nous les justifiions, de quelque façon que ce soit. Sans elles, tout espoir deviendrait ridicule.

Inspiré par le livre «Artisans de la beauté du monde», du philosophe Jean Proulx, paru en 2002, aux éditions Septentrion, je me suis donné comme mission, dans le cadre de cette chronique, de rendre hommage à des gens tragiquement oubliés qui ont contribué à préserver la beauté du monde. 

http://www.septentrion.qc.ca/catalogue/artisans-de-la-beaute-du-monde


Nous sommes nés des étoiles et nous en contenons des parcelles. Nous participons à la beauté du monde en reconnaissant que nous transmettons ce mystère grandiose de notre présence. Vivant dans un système entropique qui nous pousse vers la sortie de ce monde, nous avons aussi compris que tous ceux qui défendent notre droit d’y rester ont fait un choix périlleux. Que tous ceux qui défendent notre droit d’y rester, ceux qui ont fait le pari d’ajouter à la beauté du monde leur trace volontaire (artistes et philosophes) ou leurs gestes courageux (médecins, saints, hommes politiques ou scientifiques militants) sont des êtres humains d’exception.

C’est à tous ces fous et ces porteurs d’espoir, ces malmenés solidaires et ces furieux de l’expression que j’ai décidé d’écrire de courtes lettres.

À l’émission CATHERINE ET LAURENT, vous m’entendrez donc, ici et là, lire mes lettres à ces grands artisans de la beauté du monde.

Ci-après, la première lettre que j’ai lue dans le cadre de cette émission, le 4 septembre 2014.

PS: Dans cette première lettre, je me suis trompé de nom, en ce qui a trait à cette autre victime du virus. Onyebuchi Chukwu reste quand même le ministre de la santé du Nigéria et son travail mérite qu'on le reconnaisse. Mais il n'est pas mort. Je dédis donc la seconde adresse de ma lettre à l'infirmière nigériane qui a soigné le patient zéro au Nigéria et qui en est morte.





 LETTRE AUX ARTISANS DE LA BEAUTÉ DU MONDE, POUR LA SUITE DU MONDE

Lettre à Abraham Borbor et à Onyebuchi Chukwu (infirmière nigériane),

Cher Abraham Borbor, cher Onyebuchi Chukwu,

Vous étiez des médecins valeureux dans un monde en guerre, des statues défiantes devant le vent carnassier de l’Ebola. Vous avez combattu avec des armes improvisées, un ennemi furtif et cruel, un virus fatal, affublés de gants, d’un tablier lourd, de lunettes de ski et d’un masque qui scellait vos visages d’humains, trop humains. Guerriers de l’impossible, affineurs d’espoir, vous avez posé vos mains sur les corps meurtris, soigné les moribonds, gagé votre vie pour en préserver quelques-unes. Battus par une créature microscopique, vous avez lutté pour préserver les restants de dignité de patients hémorragiques, jusqu’à ce que votre vie s’échappe, effarouchée par la tâche, fatiguée de tous ses assauts.
Il n’y a aucun honneur à tuer pour des idées fragiles et des frustrations historiques; il n’y a aucun honneur à punir les croyances des uns pour imposer les nôtres et il est indécent d’être condamné à mort pour avoir aimé quelqu’un. Vous étiez les seuls combattants qu’il faudrait mieux armer, les seuls combattants qui s’attaquent au désespoir de vivre, les seuls soldats qui protègent la délicate beauté du monde, chandelle d’amnistie brûlant en chacun de nous. La vie charroie les peines en kilolitres et les barrières naturelles sont là pour nous rappeler que nous ne sommes pas encore des dieux ni des créatures infinies. Nous vivons tous dans l’enclos du monde et jouons à cache-cache avec les puissants.
Mais au centre de nos espoirs les plus ordinaires, de nos désirs les moins mégalomanes, brille l’effarante beauté du cosmos, la tangible lumière du monde, offerte à tous, déclinée en autant de versions qu’il y a d’yeux pour capter l’émerveillement de tous les petits princes.
Abraham Borbor, tu étais le directeur médical du plus grand hôpital du Libéria, on a tenté de te sauver en t’administrant une dose rare d’un vaccin expérimental, le ZMapp. Ce n’est pas encore clair si grâce à ce produit, certains sont revenus de la maison des morts, mais toi, courageux disciple d’Hypocrate, tu y es resté.
Quand la plupart des gens ont peur d’attraper un rhume, tu n,as pas hésité à te porter valide, tu es allé au front, héros extraordinaire de la dignité humaine, pour combattre la nouvelle peste du continent. On aura tout fait pour te garder parmi les hommes debout, dans un monde d’assis et de besogneux du clavier. Dans un monde dévasté puis reconstruit par l’argent, tu auras donné le seul bien rare, le seul cadeau sincère, le temps, à des êtres humains condamnés.
Onyebuchi Chukwu, médecin de Port-Harcourt, première victime de l’infection hors de la ville de Lagos, au Nigéria, tu as accueilli un patient qui t’aura donné la mort. Ton hospitalité aura été ton dernier sacrifice. La grandeur de ton geste aura préservé l’espoir de la bonté comme une dernière fleur plantée dans la suie.
Vous étiez des médecins braves, enfoncés dans les statistiques, des hommes dont on a mentionné le nom au détour d’un article, la preuve que toutes les mille sept cents victimes de l’Ebola ont un patronyme, une famille, des cousins, des enfants, des yeux engorgés de souvenirs perdus.
Il faudra se souvenir de vous.


lundi 5 mai 2014

Sur La vie littéraire de Mathieu Arsenault : «La literatura o la muerte»


Qui ne veut pas laisser une trace ? À tout le moins, un graffiti sur un mur de béton ou une porte de toilette publique, ou même un simple «I was here» buriné dans l’écorce d’un arbre.

Parmi tous les arts, la littérature donne l’opportunité de laisser une trace écrite, imprimée, ne serait-ce qu’un titre qui perdurera au catalogue des livres publiés, à la bibliothèque du congrès, à Washington, aussi bien que dans une recherche googlienne. Bien entendu, ça ne compte pas. Dans les faits, ça n’a aucun poids ni importance. Tout le monde sait bien que laisser une trace c’est perdurer dans l’inconscient collectif, faire l’histoire littéraire, énerver toute la fratrie des commentateurs et des lecteurs, à la limite publier un best-seller de haute tenue qui fera date. Laisser une trace dans l’histoire est toujours beaucoup plus sérieux et demande toujours beaucoup plus de sacrifice que de littéralement «laisser une trace».

La plupart des gens se contentent d’enfanter, de planter un arbre ou  de lever le poing une ou deux fois dans leur vie, pour défendre un principe ou appuyer une cause qui les mobilise. Mais les écrivains ne se contentent pas de cette figuration symbolique et fantomatique. Je n’ai jamais connu aucun écrivain qui n’était pas narcissique, persuadé de sa valeur. C’est nécessaire parce que la vie littéraire peut être terne ou déprimante et qu’il faut garder la foi en son talent pour perdurer ne serait-ce que dans sa propre psyché, ou pour fournir un effort adéquat afin de produire des œuvres, des livres, qui en valent la peine. De plus, sans cette psychose partielle du grand talent ou du génie, comment certains auraient l’odieux de nous infliger leurs galettes ? Pseudo génie rime souvent avec grande naïveté. Mais sans grand aveuglement, pas de grandes œuvres. C’est le paradoxe de l’élan littéraire.

Puis il y a des écrivains qui ne jurent que par la littérature, ne vivent qu’à travers ses mythes et ses symboles, sa religion et sa déconstruction, en plein village global des morts-vivants des œuvres du passé, en attente d’une case neuve pour leur effigie. 



Mathieu Arsenault fait partie de cette brigade littéraire de combat, qui, d’une main, décerne des lauriers aux auteurs méritants qui prônent une esthétique qui lui convient, underground, virulente, dans la lignée d’une parole crue, sans apprêt, lisible sans dictionnaire et sauvage dans son inspiration, par l’entremise de son Gala de l’Académie des lettres du vingtième et unième siècle, et de l’autre, astique le pieu langagier qui lui permettra de percer l’apathie de l’histoire littéraire.

Tout son agenda consiste à «laisser une trace».

Mathieu Arsenault aurait pu avoir pour slogan «la littérature o la muerte». Bien qu’il ne soit pas du type sacrificiel ni martyr dans l’âme. Mais toutefois, il ne veut pas jouer à moitié au jeu du «laissage de trace» en littérature et c’est pour le mieux pour notre propre apathie naturelle.

Mathieu Arsenault a publié récemment LA VIE LITTÉRAIRE, au Quartanier. Sortie conjointe avec le deuxième livre, Drama queen, celui-là posthume, de Vickie Gendreau, sa protégée, son amie, sa Nelligan (lui jouant le rôle de Louis Dantin ou Eugène Seers dans le scénario tragique de cette vie fulgurante couvant un talent fulgurant).

Après avoir parlé de frustrations adolescentes, dans Album de finissants (maintenant en livre de poche) et de sa vie insignifiante dans Vues d’ici, il s’attaque maintenant à l’intolérable vernie d’une minceur ridicule qui protège le triste écosystème de la vie littéraire québécoise, de sa vie littéraire, de la vie en littérature, comme l’on pourrait dire «vivre en religion».

Mathieu Arsenault a un doctorat en littérature. Il est un homme de grande culture,  s’exprime outrageusement bien en public, sait vulgariser ses postures littéraires, a un peu d’humour et aime être sur une scène. Il aurait facilement pu se décrocher un poste au cégep ou à l’université. Mais il a préféré s’ouvrir une boutique en ligne de vente de t-shirts littéraires et de macarons.

La radicalité de ses choix de vie (il se plaint souvent de manquer d’argent), contribue sans doute également à nourrir sa rage intérieure, découlant intrinsèquement d’un constat déprimé sur la valeur de la littérature québécoise dans un monde excité et souffrant de déficit de culture et d’attention. Ses livres sont d’une violence inouïe, son jugement est péremptoire et dévastateur et si ce qu’il écrit ne relève pas tout le temps d’une posture nihiliste agressive, à tout le moins son discours n’entre pas dans la catégorie des «feel good novel».

En lisant LA VIE LITTÉRAIRE, je ne sais combien de cris, d’admonestations, de remises en question vertigineuses, de claques en pleine face, de constats nihilistes j’ai encaissés, ou devant combien de grands miroirs posés devant notre ridicule croyance en notre importance biologique ai-je été prié de me regarder. La lecture de ce livre agit comme un fouet. Nous constatons à quel point la sclérose et la naïveté idiote dirigent nos vies, plongent tous nos désirs légitimes dans un bain beige navrant.

C’est une narratrice qui prend la parole dans LA VIE LITTÉRAIRE, livre construit un peu à la manière de ses deux précédents, par blocs de textes sans ponctuation, serrés, avec italiques imposés sur la première phrase ou tronçon, laissant comprendre que chacun de ces textes a sa logique interne, son unicité et son indépendance. Considérant que Mathieu Arsenault a participé à plusieurs lectures publiques et qu’il lit ses textes comme s’il s’agissait de poèmes individuels, choisissant des extraits épars de son livre, les récitant avec cette verve colérique ou ce ton punk ou vengeur qui s’adresserait à la société en général puis au spectateur en particulier, je tends à considérer ses livres, depuis le début, comme des livres de poésie en prose ou des essais de poésie en prose.

Poésie d’ailleurs fort théâtrale, car deux metteurs en scène ont déjà monté ses précédentes œuvres au théâtre La Chapelle et au théâtre Denise-Pelletier.

Maintenant est-ce qu’adopter une narratrice pour porte-parole est ici significatif, change vraiment l’optique de la charge du livre ? Non. Avec quelques ajustements mentaux (je suis trop habitué à entendre Mathieu Arsenault en lecture publique) il est aisé de transposer le genre du narrateur. Mais ce détail est peu important. Gars ou fille, homme ou femme peuvent indifféremment emprunter la voix tonitruante et désespérée de celui ou celle qui parle. Parce qu’ici il s’agit de paroles proférées, de vigueur intellectuelle secouée, de lucidité qui tombe de la bouche comme un crachat.

Quand la narratrice dit : «et tous ces après-midi passés à me cultiver n’ont jamais recelé aucunes tribulations rien ne se perd rien ne se trie tout est un désordre d’informations les corps humains ne sont que des bandelettes continues de détails épars sans rien au milieu», le ton est donné. Dans LA VIE LITTÉRAIRE on parle de distances entre les désirs et la réalité, d’océans d’informations qui nous stimulent tout en nous noyant, du désordre naturel de la vie que l’on veut à tout pris contrôler avec nos moyens médiocres.  À plusieurs reprises, la narratrice est happée par l’insignifiance de ses prétentions littéraires, de la maigreur en réalité de ses pauvres ambitions littéraires face à la cacophonie ambiante et à la surexcitation permanente. Laisser une trace, oui, toujours et encore, laisser une trace, pour le meilleur et pour le pire, et puis tant pis si c’est pour le pire, l’important c’est de tout faire pour laisser une trace.

Ici encore : «dire qu’en réalité on passe nos journées assis à écrire sans bouger sans parler  étendre les bras à la proue du titanic et crier vivre c’est poche écrire pour personne c’est full hot et lire c’est mourir de lire c’est full fuck full fucking fuck lol troll rofl truck pok». Arsenault, qu’on l’aime ou qu’il nous agace, a tout de même réussi à saisir un état contemporain, une émotion dérangeante qui nous a tous traversés. Il emprunte au vocabulaire hipster, à la culture populaire, à l’histoire littéraire, à la sous-culture geek, dresse un portrait fort juste de cette émotion complexe qui nous attache à l’époque actuelle tout en nous dégoûtant de celle-ci. Parole décadente, télescope braquée sur la fin de quelque chose en littérature, la fin de la grande époque de la grâce, la fin de l’importance des intellectuels lyriques, sans aucun doute, mais la fin de quelque chose de diffus. On ne sait pas trop ce qui se termine. Mais l’on sait que beaucoup de choses n’existeront plus et nous sommes là, penaud, confus, en attendant qu’on sache vraiment ce qui prendra fin en littérature grâce à la technologie. Tout en défendant la démocratie d’internet et les copies d’œuvres en tous genres à télécharger gratuitement partout. Personne ne sachant encore comment résoudre cette quadrature du cercle.

Certes, il y a encore beaucoup d’énergie adolescente dans ce livre, une espèce de colère pee-wee qui déborde sur la vie de tous les jours, englue les perspectives et empêche à la narratrice d’aller voir plus loin que son nez, de choisir d’agir plutôt que de subir la conjecture sociopolitique dans laquelle elle patauge. Mais il s’agit de littérature, pas d’un discours politique. La verdeur hirsute de Lautréamont et les jugements radicaux d’Holden Caulfield gardent parfois cet aspect outrageusement adolescent. Je ne pense pas me tromper en affirmant que Mathieu Arsenault est resté également un adulescent modèle.

Livre à relire à haute voix, livre à décortiquer comme un essai sur la vie littéraire d’aujourd’hui écrit sous la forme de plusieurs slams (même si le personnage abhorre ce genre de spectacle littéraire), LA VIE LITTÉRAIRE est l’aboutissement, selon moi, de cette prenante trilogie du CRI CONTEMPORAIN DE LA JEUNESSE (je la nomme ainsi) de Mathieu Arsenault. Je ne doute pas qu’un autre metteur en scène s’en empare.

Maintenant, allez goûter à cette colère si la vie littéraire vous intéresse. Le buffet est vaste et vous y trouverez sans doute votre compte. Il se peut même que vous souriiez. Parce qu’entre nous, rien n’est plus drôle que tout ce cirque culturel qui entoure le jeu du «laissage de trace».


mardi 25 février 2014

La disparition des salles de cinéma et le spectateur Mohican


Un jour, tu le sens, ça devient palpable, tu multiplies les rencontres et tu n’engranges plus que des amitiés platoniques ou des projets de commensalisme. Les phénomènes de société cessent aussi de séduire, perdent de leur panache, s’enfoncent lentement dans l’obsolescence.

Je suis un cinéphile maniaque. Je ne peux pas me passer de cinéma, ni de littérature. La littérature est mon métier, mais le cinéma est ma principale drogue sociale. Une semaine sans visionner un film ressemblerait dans ma vie à une peine d’exil sur une île déserte avec un seul palmier, décor bédéistique. J’ai fortement besoin de cette illusion pratique, bête, enveloppante, qui nous permet de fuir le quotidien. Bien sûr, comme tout le monde, je regarde des films sur mon ordinateur, en streaming, loué ou non. Mais si j’ai le choix, je préfère me rendre dans une salle de cinéma. Il s’agit pour moi du dernier rituel grégaire athée communément admis (à part les manifestations de rue). Toute personne assise dans une salle de cinéma comprend qu’elle sera exposée à un univers parallèle. Nous partons tous en voyage, sans nous connaître, vers un lieu convenu (blockbuster), dérangeant (film d’auteur confrontant) ou divertissant (comédies légères). Le cinéma a forgé la mystique athée contemporaine de l’image, depuis les années 40, tout en installant la propagande capitaliste. C’est un instrument social puissant, mais aussi un médium de création d’une grande souplesse permettant d’exprimer les idées et les histoires les plus audacieuses.

De Manufacturing consent à la Passion de Mel Gibson, toutes les idées politiques s’y sont exprimées.  Monter bout à bout tous les films qui ont été réalisés depuis les frères Lumières nous confronterait à la masse confuse et variée de notre psyché humaine.

Je remarque néanmoins que depuis quelques années (cette année c’est encore plus flagrant), presque plus personne ne se déplace pour partager cette expérience immersive du grand écran dans les salles de cinéma à Montréal. À plusieurs reprises et à toutes les heures de la journée, je me suis retrouvé dans une salle vide, spectateur Mohican, avec sa tête tomahawk/stylo bille, à visionner un film parfois indépendant, à d’autres occasions tout ce qu’il y a de plus commercial.

Je vous entends dire les kits de cinéma maison, Netflix, Glowglazer, Putlocker, tous les sites de Streaming, les locations en ligne sur iTunes, et partout sur le web sans compter les torrents. Je vous comprends et je dois l’avouer, je profite moi aussi de toute cette offre filmique. Mais les salles de cinéma ne représentent-elles pas, comment dire, une espèce de noblesse laïque, athée, complètement destinée à diffuser dans les meilleures conditions une image mouvante ?

On décrète la mort du cinéma depuis de nombreuses années, on parlait en somme du format de diffusion du spectacle-cinéma, car le spectacle perdure, s’est insinué, nous suit partout, revêt dorénavant des habits protéiformes, n’a jamais cessé d’augmenter sa présence.

Or le cinéma est aussi un art et non pas seulement un spectacle. Incidemment, la salle de cinéma, auparavant lieu fréquenté destiné à la diffusion de masse est devenue petit à petit un lieu de méditation cinématographique, si on fait abstraction des publicités criardes en début de séance. Car s’engouffrer dans cette caverne à images relève dorénavant beaucoup plus d’une démarche patrimoniale, esthète, compatissante et à la limite mystique athée que d’un rendez-vous culturel commun.

En 1975, Peter Bogdanovich, dans The last picture show, imaginait la disparition des salles de cinéma dans un film mélangeant mélancolie adolescente et western légendaire. 



Certes, peut-être que la salle VIP (sièges transats capitonnés, bar,service de repas de luxe) du Cinéplex Odéon Brossard du quartier Dix-30 n’est pas l’avenue que choisiront tous les propriétaires de salles de cinéma pour garder leurs entreprises à flot. Toutefois, je ne vois pas pourquoi cet important rituel de visionnement en groupe d’une œuvre cinématographique a à disparaître.

En tant que communauté, nous aurons toujours besoin de ces rituels de regroupement athée ou laïques devant des œuvres d’art d’images mouvantes. Question de célébrer notre cohésion sociale, de communier pacifiquement devant les images mouvantes, artistiques, louables et précieuses qui revendiquent et illustrent notre condition humaine. Certes, vous pensez tous à Moment Factory et les projections sur les immeubles sans compter les grandes diffusions de film en plein air.

Peut-être, en somme, et je vous le concède, que tranquillement les rues deviendront nos nouvelles salles de cinéma bondées.

samedi 25 janvier 2014

«Her» : la maladie de la solitude et l’amour dans la voix

Nous n’appelons amour ce qui nous lie à certains êtres que par référence à une façon de voir collective et dont les livres et les légendes sont responsables. Mais de l’amour, je ne connais que ce mélange de désir, de tendresse et d’intelligence qui me lie à tel être.
Albert Camus, Le mythe de Sisyphe

Quelqu’un que j’aime beaucoup m’a dit récemment : «le couple est un concept dépassé».  Il m’a semblé qu’elle disait vrai, qu’elle énonçait même une espèce d’évidence dérangeante.

Nous errons tous sur les multiples chemins relationnels que nous propose le marché des valeurs émotives et nous suivons la parade, tous un peu blasés mais toujours prêts à tester de nouvelles techniques de rencontre.

Comment interagir avec nos semblables, développer des connivences avec les personnes qui nous intéressent, apprendre à s’abandonner afin que l’autre nous accueille dans son univers singulier ? Ce sont des questions que les êtres humains se posent depuis que nos sociétés se sont érigées sur la maîtrise de la parole et la communication langagière.

La révolution numérique et notre réalité 2.0 ont opéré dans nos vies l’équivalent d’un Big Bang de la parole écrite et de la lettre lue. Nous n’en sommes en plus qu’au début du déploiement magique des pouvoirs de cette parole mathématique, virtuelle, imitant toujours de mieux en mieux notre intuition humaine et nos échanges affectifs.

Un jour, et il va falloir que ça arrive (tout notre futur a été conçu pour qu’éventuellement cela advienne) les êtres humains fabriqueront des consciences virtuelles qui sauront mimer à la perfection les interactions humaines complexes.

À quoi ressemblera cette interaction virtuelle ? Spike Jonze nous a offert un film d’une grande intelligence qui l’imagine.



Theodore Twombly est un écrivain qui rédige des lettres personnelles pour des gens qui ont décidé de sous-traiter cette tâche à une compagnie spécialisée dans le domaine. L’époque se situe dans un futur envisageable à moyen terme, d’ici trente ou quarante ans. Le personnage, mélancolique, un peu terne quoiqu’inventif et talentueux, interprété par le grand Joaquin Phoenix est divorcé et solitaire. Nous entrons dans sa vie à un moment où il s’ennuie. Vivant seul dans une immense tour de logement, Theodore Twombly s’occupe en jouant à un jeu vidéo immersif en 3 D, échange avec une amie mal mariée et profite de services de rencontre téléphonique.

Mais un jour il tombe sur la publicité d’un service d’exploitation pour son ordinateur doté d’une conscience et qui peut échanger de façon outrageusement humaine avec son propriétaire.

Afin de personnaliser l’interaction que Theodore aura avec sa machine, le système lui pose quelques questions d’ordre personnel telles que : êtes vous sociale ou antisocial ? Quelle était votre relation avec votre mère ? Voulez-vous une voix d’homme ou de femme ?

Il demande une voix de femme, marmonne deux ou trois choses au sujet de son côté social ou antisocial et parle en quelques mots du narcissisme de sa mère. Le logiciel compulse ces données et cinq secondes plus tard, la voix de Scarlett Johansen l’accueille tout en se présentant !

«Bonjour, je m’appelle Samantha et toi ?»

L’amour ou la maladie de la solitude

La science-fiction amoureuse est un genre bien établi.

Il y a eu des films tels que Eternal sunshine of the spotless mind (2006) par Michel Gondry sur un scénario de Charles Kaufman où l’on efface les souvenirs douloureux rattachés spécifiquement à une personne, à un amour passé. Dans un registre moins ambitieux, mais mettant tout de même en scène un homme qui tombe en amour avec un porte-clé qui lui répond seulement «I love you», l’étrange I love you de Marco Ferreri (1986), sans oublier la peinture nouvel-âgiste et spirituelle de l’avant-dernière réalisation des frères Wachowski, Cloud atlas (2012), dans lequel on suit les réincarnations de quelques personnages qui s’aiment à travers les siècles jusqu’à un futur dystopique où des clones de jolies femmes asiatiques deviennent des esclaves dont on peut disposer sans remords, bien entendu l’essentiel Blade runner (1982) de Ridley Scott et ses robots trop humains dont on peut tomber amoureux, les replicants tout autant que le scénario de Ian Watson, adapté de la nouvelle de Brian Aldiss «Supertoys last all summer long» par Spielberg, A.I. (2001) dont l’intrigue principale tourne justement autour d’un robot-enfant capable d’amour.  Projet, originalement mis en branle par le réalisateur de 2001 l’odyssée de l’espace en 1970, mais ultérieurement offert à Spielberg et réalisé après la mort de Kubrick.

L’être humain ne peut vivre sans ces histoires complexes qu’il associe aux êtres qui prennent soin de lui ou l’écoutent ou le comblent plus que la moyenne des ours. La fiction est née de  nos espoirs en l’avenir et de notre faconde quand il s’agit d’imaginer des êtres éternellement redevables de notre présence ou de notre spécificité d’humain.

Nous tombons tous d’abord en amour avec des mots, des histoires, une voix. Les sept mots que Monika, la mère putative du petit robot-enfant dans A.I. (2001) doit lui lire pour activer son programme d’attachement amoureux ne sont pas anodins. La mère doit entre autres prononcer le nom de «Socrate». Ce mot de passe pour activer l’attachement à vie d’un enfant-machine et en soit la métaphore culturelle à générer également, chez tout enfant que l’on veut préparer à aimer des êtres humains.

Dans Her, Spike Jonze met en scène une histoire d’amour qui se veut réaliste entre la voix d’un système d’exploitation doté d’une conscience artificielle et un être humain organique. Il réinvente ce processus d’infatuation amoureuse, ce long échange de données qui génère un sentiment amoureux entre deux êtres humains

La voix humaine est fabuleusement intime.

En charriant des centaines d’informations subsidiaires, à part les mots qu’elle amplifie, la voix peut devenir intimidante. Or nous sommes tout de même en mesure de fantasmer tout un corps à partir d’une voix, d’imaginer un univers complet, de nous projeter dans ses modulations rythmiques, de s’y attacher. En quelque sorte, il ne suffit bien souvent que d’une voix aimante et compréhensive pour tomber amoureux. Souvenirs évidents des premiers contacts avec la voix maternelle.

Substance émotive infinie, la voix est le fertilisant sans quoi l’amour resterait un concept abstrait.

Jonze pousse jusqu’à la caricature cette liaison amoureuse entre la voix d’un système d’exploitation et un être humain.

En cette ère de cyberintimidation, d’arnaques sentimentales et sexuelles sur Facebook, on imagine toutes les possibilités inquiétantes des futurs systèmes d’exploitation intelligents.

À la fin du film, Théodore est amèrement déçu quand il comprend que cette voix si intime, qu’il croyait personnelle ou qu’il avait appris à percevoir comme personnelle, s’adressait simultanément à des centaines de gens.

Finalement, l’amour ne serait-il que l’illusion interpersonnelle la plus perfectionnée ?

Quoi qu’il en soit, l’être humain ne réglera pas de sitôt, même avec la technologie, les besoins émotifs primaires des gens seuls et désespérés.